Notre planète est un ensemble de fragiles équilibres où les êtres vivants (plantes, animaux et microorganismes) se sont développés en harmonie avec leur environnement (habitats, géographie, écosystèmes, climats). Depuis quelques centaines d’années seulement, l’activité humaine est telle qu’elle menace la nature même de cet équilibre qui évolue depuis près de 3,5 milliards d’années. Il y a environ 50 ans, est apparu un nouveau type de mouvement social où quelques “illuminés” ont tenté de sensibiliser le reste de l’humanité au sujet de la disparition d’espèces animales, de la destruction d’habitats, et des premiers grands problèmes de pollution. Nous avons alors assisté à la naissance des premiers groupes “écologistes” qui passaient, la plupart de temps, pour des mouvements utopistes et des marginaux. Au fil des années, des données scientifiques à propos du fonctionnement de la vie et des mécanismes qui y sont liés ont gagné en crédibilité. Avec ce gain, est apparu dans le langage populaire, la notion de l'environnementalisme, où la recherche d’une plus grande harmonie avec la nature est un objectif à atteindre. Au fil de ces années, le concept de conservation s’est développé en reprenant les idées écologistes et environnementalistes, en proposant que notre environnement doit se maintenir dans un état viable qui soit stable à long terme. Pour y arriver, nous devons collectivement mener des actions pour mieux conserver notre planète. Ainsi, la conservation a su développer des thèmes maintenant connus de tous : les espèces menacées ou la protection des habitats, par exemple. Cette discipline possède aussi un côté pratique avec l’acquisition de terres qui sont préservées au lieu d'être exploitées. De nombreux scientifiques y consacrent leur recherche, mais l’objectif est de joindre tous et chacun puisqu’après tout, il s’agit de notre futur collectif.
La conservation est devenue une discipline scientifique reconnue qui tente, d'une part, de mieux comprendre la diversité biologique de notre planète, et d’autre part, de ralentir et de compenser les pertes engendrées par l’activité humaine. En 1992, la convention de Rio a statué que le maintien de la diversité biologique (biodiversité) est une priorité pour le futur de l’humanité et en 2022, la COP15, signée à Montréal, engage l’humanité à conserver 30% du territoire d’ici quelques années. Ouf… tout un programme.
La biodiversité un concept à trois paliers
Les scientifiques considèrent que l’ensemble de la variabilité associée à la vie sur notre planète possède une grande valeur et que l’humanité a le devoir d’y porter attention et de la protéger. Cette diversité associée aux êtres vivants se nomme biodiversité, un mot nouveau (néologisme) pour désigner la diversité de la biologie. Pour s’y retrouver, on la classe souvent en trois paliers, du plus grand au plus petit : la diversité des écosystèmes, la diversité des espèces et la diversité génétique. Le deuxième palier (diversité des espèces) est souvent celui qui nous touche le plus directement, puisqu'il inclut toutes les espèces de la planète : plantes, microorganismes, animaux. Ce n’est pas peu de chose puisque nous dépendons directement de ces espèces pour nous nourrir (maïs, riz, blé etc). La diversité spécifique est particulièrement imposante. Par exemple, à eux seuls les insectes représentent plus de 30 millions d’espèces. Les plantes quant à elles, sont composées de 400 000 espèces connues. Il ne subsiste aucun doute qu’il reste encore beaucoup à découvrir et à décrire, ce qui constitue le travail des taxonomistes.
À grande échelle (premier palier) les différents écosystèmes représentent la diversité des habitats de la planète (les déserts, les fonds marins, la forêt tropicale, les cavernes, l'océan Arctique, etc.). À petite échelle, le pallier de la diversité génétique (troisième palier) définit un niveau de l’organisation de la vie et de sa richesse qui se situe au sein d’une seule espèce.
L’exemple qu’on peut donner pour mieux comprendre le troisième palier de la biodiversité, est celui du Béluga du Saint-Laurent. Le Béluga (Delphinapterus leucas Pallas 1776) est une espèce associée aux eaux froides de l’Océan Arctique. Elle est commune et se trouve dans l’ensemble de l’Océan Arctique. Toutefois, une population est isolée dans le fleuve Saint-Laurent et ne se reproduit plus avec les autres membres de l’espèce qui se trouvent à des milliers de kilomètres plus au nord. Parce que cette population du Saint-Laurent possède des gènes légèrement différents, les scientifiques accordent une grande valeur aux Bélugas du Saint-Laurent, et protègent cette population même si l’espèce est commune dans le grand nord. Le troisième palier vise à préserver la variabilité génétique contenue dans l’ADN, qui se trouve au sein d’une même espèce.
Toutefois, grâce aux avancées des connaissances scientifiques et de la mise de l’avant des principes de conservation, il y a consensus autour du fait que le maintien de la biodiversité (les trois paliers) est un élément essentiel pour notre survie et le futur de la planète.
Encore beaucoup de travail à faire
Bien que cela soit surprenant, les humains sont loin de bien comprendre la biodiversité de la planète. En effet, il y a encore des milliers d’espèces inconnues, plusieurs écosystèmes sont malmenés par l’activité des humains, et nous connaissons très peu les mécanismes génétiques associés à la formation des espèces et leur survie. Les espèces inconnues ne se trouvent pas que dans les forêts tropicales, il y a encore chez nous, au Québec, des espèces à découvrir, ou qui n’ont toujours pas de noms. Bien sûr, il y en a encore plus dans les régions de la planète qui sont peu explorées. Imaginons le travail qui reste à faire pour dire que toutes les espèces de la planète sont connues ! Cette tâche ne sera cependant jamais accomplie puisqu’il est maintenant démontré que plusieurs espèces disparaissent de la surface de la planète, avant même que les humains ne les aient découvertes. Cette vision est plutôt triste parce qu’avec ces pertes, il est possible qu’une de ces plantes ou un de ces insectes sécrétait une substance ou possédait une molécule au potentiel incroyable ? Que ce soit comme remède, ou simplement pour des propriétés extraordinaires ? Nous pouvons donner comme exemple la découverte de la bactérie Thermus aquaticus Brock & Freeze 1969 qui vit près des sources de grande chaleur (figure 2). Il se passe rarement une journée où nous n’entendons pas parler de grands progrès faits dans une discipline scientifique qui ne soit pas en partie liés à l’utilisation de l’ADN. Pour la plupart d’entre nous, nous sommes au courant que l’ADN est devenu très important (résolution de crimes, identification de maladies, études des relations phylogénétiques), mais peu de gens savent que toutes cette technologie n’est possible qu’avec une enzyme qui résiste aux grandes températures associées à T. aquaticus. Tous ces progrès sur le dos d’une seule bactérie ? Mais oui, en plein ça ! Imaginons alors ce que seraient les applications avec de meilleures connaissances de tous les êtres vivants ? Non pas que la nature doit avoir comme but ultime de servir l'humanité pour avoir une utilité, mais il est important de prendre conscience à quel point nous connaissons peu le potentiel des êtres vivants de notre planète.
Déclin de la biodiversité sur la planète
Les activités humaines génèrent de nombreuses conséquences dont plusieurs sont particulièrement négatives pour la planète. Il suffit de penser que la vie sur terre existe depuis 3 500 000 000 d’années, et que dans la dernière centaine d'années, les humains ont causé d’énormes perturbations à l’échelle de la planète. Le développement, la création de routes, les constructions, les industries, l’élevage de bétail, l’industrialisation, l’exploitation minière, l’exploitation forestière ne sont que quelques exemples des effets des humains sur la planète. À ceci il faut ajouter les problèmes de pollution engendrés par ces activités. Pollution de l’eau, des mers, des sols, de l’air sans oublier le phénomène plus récent de la pollution par les produits plastiques, qui prennent des millions d’années avant de se décomposer. Il est maintenant démontré que l’activité humaine est une cause directe du déclin de la biodiversité à l’échelle de la planète. On estime qu’une espèce disparaît tous les jours, ce qui est une nette accélération du rythme des disparitions qui ont lieu naturellement.
Un peu d’espoir
Pour ralentir ce déclin, il y a plusieurs stratégies possibles. Plusieurs pays et sociétés déterminent des listes d’espèces menacées pour attirer l’attention sur la situation périlleuse de ces êtres vivants afin de mettre en place des stratégies de conservation pour éviter leur extinction. Des parcs et des zones de protection sont désignés aux quatre coins de la planète pour préserver la nature et les êtres vivants qui s’y trouvent. Plusieurs groupes et sociétés civiles mettent aussi en place des solutions pour diminuer et enrayer la pollution. Des milliers de scientifiques partout sur la planète font de la recherche pour trouver des solutions afin que les activités humaines aient des conséquences moins lourdes pour l’environnement. Dans les écoles, les familles, les villes et les industries, partout, on fait maintenant du recyclage pour diminuer nos déchets et valoriser les matériaux déjà disponibles.
Il est plus difficile d'éprouver un sentiment d’attachement à notre planète si on ne connaît pas (peu ou mal) les formes de vies qui s’y trouvent. Il y a des entomologistes et des arachnologues qui continuent de chercher, de découvrir et de décrire (c’est le travail des taxonomistes) des petites bestioles pour qu’elles soient mieux connues de l’ensemble des humains. Il y a beaucoup de travail à faire et le temps presse puisque le futur de notre planète est en jeu. Il est intéressant de constater que les idées qui paraissaient marginales il y a peu de temps, sont maintenant décrites comme des priorités pour le futur de l’humanité.
Amis de la planète, il est grand temps de relever les manches de l’ignorance et de se mettre au boulot !
Auteur : Pierre Paquin