Le tigre à dents de sabre est parmi les plus célèbres animaux disparus de la préhistoire. Malgré ce nom commun, ces animaux ne sont pas les proches parents des tigres, mais ils appartiennent à la même famille, celle des Felidae (voir nomenclature). “Tigre à dents de sabre” porte aussi à confusion puisqu’en réalité, ce nom réfère au genre † Smilodon, qui comporte non pas une, mais trois espèces distinctes aujourd’hui éteintes (figure 1).
On évalue que les † Smilodon spp. ont disparu il y a environ 11 000 ans, ce qui en fait une extinction relativement récente. Les connaissances sur ces animaux sont surtout dues au fait que de nombreux fossiles ont été trouvés (figure 2), particulièrement les longues canines qui ont permis de relativement bien cerner leur répartition géographique. C’est cependant la qualité des fossiles qui ont permis d’en apprendre beaucoup. En effet, plus de 160 000 fragments de squelettes fossiles de † Smilodon fatalis Leidy 1869 provenant de 3000 individus ont été trouvés dans les fosses à bitume (tar pits) de La Brea, à Los Angeles, en Californie (voir fossile) dans un remarquable état de conservation.
Les trois espèces connues ont plusieurs points communs, particulièrement une plus grande robustesse que celle des félins actuels, surtout pour les pattes avant. Ce sont toutefois les canines supérieures, démesurément longues, jusqu'à 30 cm, qui constituent le trait le plus distinctif.
La plus grande espèce, † Smilodon populator Lund 1842 qui se trouvait en Amérique du Sud, mesurerait 1,2 mètre de hauteur et pesait jusqu'à 435 kg, ce qui en fait le plus grand des félins qui ait existé. Les deux espèces † Smilodon fatalis et † Smilodon gracilis Cope 1880 ont occupé des aires de distribution qui couvre l’ensemble de l’Amérique du Nord et Centrale, au sud du Canada, mais il existe une mention connue de S. fatalis de l’Alberta, légèrement au nord de cette aire de distribution. D’un point de vue phylogénétique, l'hypothèse actuelle est que l’espèce ancestrale S. gracilis, aurait donné naissance aux deux autres, dont S. populator qui s’est propagée en Amérique du Sud. Les deux espèces de l’Amérique du Nord auraient cohabité, et S. fatalis aurait finalement supplanté S. gracilis pour faire disparaître la dernière.
† Smilodon spp étaient des prédateurs et la morphologie des squelettes fossiles nous en apprend sur leur mode de chasse (figure 3) et ont inspiré de nombreuses reconstitutions et illustrations. La queue relativement courte et la robustesse des pattes avant suggèrent que le mode de chasse était moins axé sur la course comme les grands félins actuels, mais plutôt par embuscades des animaux comme les bisons. † Smilodon tenait probablement ses proies solidement clouées au sol avec ses pattes avant, et se servait de ses longues canines pour asséner des morsures fatales, probablement dans le cou des proies. Toutefois, de nombreuses canines brisées ont été trouvées ce qui indique une certaine fragilité de ces dents; elles ont aussi été trouvées coincées dans les crânes de certaines proies.
La disparition de †Smilodon spp. coïncide avec la disparition de plusieurs grandes espèces animales appelées mégafaune du Pléistocène. La disparition de ces animaux de grandes tailles est surtout attribuable à des changements importants des conditions planétaires qui ont affecté certains écosystèmes à la fin de la dernière période glaciaire. Dans le cas des † Smilodon spp., on attribue sa disparition à la raréfaction des proies elles-mêmes [des bisons († Bison antiquus Leidy 1852) et des chameaux (Camelops spp.) dans le cas de S. fatalis], qui étaient des herbivores et qui dépendaient directement des conditions propres à certains écosystèmes comme les steppes à mammouths.
En Amérique du nord, un des premiers fossiles de †Smilodon a été trouvé au Texas, dans un dépôt de pétrole de surface. D'autres fossiles sont aussi connus de la Pennsylvanie et d’autres du Tennessee. Il ne fait aucun doute que des fossiles de †Smilodon se trouvent dans la région où nos héros Matt et Amina font leur exploration, mais les chances de trouver un crâne complet et en bon état comme dans la bande dessinée, sont plutôt minces (figure 4). Il semble toutefois qu‘en 2015, des restes fossiles de †Smilodon ont réellement été découverts dans une caverne du Minnesota.
Nous en savons beaucoup sur ces animaux disparus grâce aux fossiles trouvés. De plus, des profils génétiques ont pu être produits, ce qui nous révèle des informations sur les affinités entre ces espèces disparues et avec les espèces qui vivent de nos jours. Grâce à cet ancien ADN, certains mystères ont pu ainsi être résolus. Toutefois, nous ne savons pas tout ! Par exemple, ni l’information génétique générée, ni les fossiles trouvés ne nous donnent des indications à propos de la longueur des poils de la fourrure ou de sa coloration. Était-elle à motif comme les léopards, rayée comme les tigres ? ou unie comme les cougars ? Personne ne le sait, alors il n’est pas nécessaire de débattre de ce point avec vigueur, sauf avec un interlocuteur qui connaît le sujet, bien sûr (figure 5).
Auteur : Pierre Paquin
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