Dans la bande dessinée (figure 2), Corius Vinkoid fait référence à un des plus célèbres habitants des cavernes de la planète : le ver luisant Arachnocampa luminosa (Skuse 1891) (figure 1). Bien qu’on le nomme ver luisant, ce nom commun porte à confusion (voir nomenclature) puisqu'il ne s’agit pas d’un ver, mais plutôt d’un insecte. Plus précisément, il s’agit d’un diptère (comme les mouches) de la famille des Keroplatidae, dont les larves ont la curieuse particularité d’émettre de la lumière.
Contrairement aux lucioles (Lampyridae) qui émettent de la lumière tant aux stades larvaires (mécanisme de défense) qu’aux stades adultes (mécanisme pour faciliter la rencontre des mâles et des femelles), la bioluminescence d’A. luminosa n’est présente que chez les larves et poursuit un tout autre but. Il faut d’abord savoir qu’aux premiers stades, ces insectes sont des prédateurs qui se nourrissent des proies qu’ils peuvent attraper. Pour ce faire, les larves sécrètent des fils de soie qui peuvent mesurer une vingtaine de centimètres, qui sont constitués de fines gouttelettes collantes (figure 3). Ces fils sont habituellement suspendus dans le vide, comme par exemple à partir du plafond d’une caverne. Une seule larve peut ainsi fabriquer une vingtaine de fils qui pendent les uns à côté des autres. Le but de cette mystérieuse construction est de capturer des proies qui toucheront ce fil en volant et qui y resteront engluées. Les mouvements dans les fils alertent la larve qui se trouve à proximité, et qui se précipite pour saisir la proie capturée. Cette stratégie n’est pas sans rappeler celles des araignées qui attendent les proies qui se prennent dans leur toile. Le nom du genre est en partie dérivé de ce fait puisque les araignées sont des arachnides, d’où le nom de ce genre Arachno - campa, malgré le fait que ce soit un insecte.
Mais voilà, comment s’assurer que des proies volantes se montreront dans un habitat aussi particulier que celui des cavernes ? Arachnocampa luminosa a recourt à une incroyable stratégie : celle de les attirer en générant de la lumière. Ainsi, si on regarde un plafond d’une caverne où cette espèce se trouve en abondance, on a véritablement l’impression de regarder une voûte étoilée (figures 4). Cette curieuse impression est d’ailleurs ce qui a intrigué les premiers explorateurs qui ont découvert ce phénomène. Toutefois, un examen plus attentif (et rapproché) de la situation révèle que chaque point lumineux est en fait le bout d’une larve qui émet la lumière (figure 3). Les proies (papillons, mouches et autres insectes) sont attirées par cette lumière située à la base des fils collants et en volant en direction de la source, s'entremêlent dans les fils collants. Un piège d’une remarquable efficacité dans un environnement où les proies ne sont pas abondantes.
Arachnocampa luminosa est une espèce endémique à la Nouvelle-Zélande. Toutefois, il existe trois autres espèces dans le genre Arachnocampa, qui elles se trouvent uniquement en Australie. Il existe aussi d’autres diptères réparties ailleurs sur la planète qui utilisent une stratégie de chasse semblable. Les adultes des espèces d’Arachnocampa ne volent pas très bien et se déplacent peu, ce qui fait en sorte qu'ils peuvent parfois être abondants dans les cavernes où ils se trouvent.
À tort, plusieurs croient que ce sont des espèces troglobies, c'est-à-dire des espèces spécialistes des cavernes, mais cette perception est erronée. Il s’agit plutôt de troglophiles, qui se trouvent dans les cavernes, mais aussi dans d'autres types d’habitats comme les bordures escarpées des ruisseaux et autres habitats humides.
Auteur : Pierre Paquin
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