Les Dictynidae comptent 24 espèces au Québec, mais la présence d’une dizaine d’espèces additionnelles non répertoriées est probable.
Les limites taxonomiques de la famille ont été redéfinies par Lehtinen (1967) pour y inclure des genres qui ne possèdent pas de cribellum (Cicurina). Le genre Cryphoeca est également inclus dans cette famille par Merrett et Murphy (2000), qui mentionnent que ce placement est plus plausible qu’au sein des Hahniidae. Les relations phylogénétiques des genres de cette famille demeurent incertaines. Chamberlin et Gertsch (1958) ont révisé les espèces qui possèdent un cribellum, et Chamberlin et Ivie (1940), les espèces du genre Cicurina.
Les espèces des genres Dictyna et Emblyna sont associées aux arbustes et aux plantes basses. Ces araignées tissent à la surface de la végétation des toiles qui ressemblent à des filets désordonnés (fig. 525). Ces toiles sont permanentes et les araignées y ajoutent quotidiennement de la soie cribellée. Elles deviennent de plus en plus dense vers le centre, où la retraite est habituellement construite. Selon Roberts (1995), ces araignées semblent préférer les endroits secs puisque la densité de soie entraîne une rétention d’humidité favorable aux moisissures, qui pourraient être létales pour les oeufs.
Avant l’accouplement, les mâles font vibrer leurs pattes sur la toile des femelles, puis s’approchent si celles-ci sont réceptives (Roberts 1995). Les mâles et femelles cohabitent dans la toile, jusqu’à la mort du mâle, qui est quelquefois dévoré par la femelle. Chaque femelle peut pondre plusieurs sacs d’oeufs, qui ont la forme de lentilles blanches d’environ 3 mm, qu’elle aligne les uns à côté des autres sur la toile. Montgomery (1903) rapporte qu’une femelle d’E. sublata peut pondre jusqu’à neuf sacs d’oeufs, dont plusieurs en quelques jours seulement. Les jeunes araignées vivent quelque temps dans la toile avec la mère avant de se disperser. À l’automne, les adultes et les jeunes refugient dans la litière (Comstock 1940, Kaston 1948).
Certains Dictynidae, dont Dictyna foliacea et Emblyna sublata, préfèrent la surface de la végétation pour tisser leur toile dans le feuillage ou parmi les brindilles mortes. Par contre, d’autres espèces (Dictyna annulipes, Emblyna hentzi) sont fréquemment trouvées sur les structures des habitations, dans les coins des murs et des fenêtres, et sur les clôtures. Ces araignées tissent leurs toiles autour d’une cavité qui devient éventuellement la retraite, dans laquelle elles se terrent. Kaston (1948) rapporte que des femelles protègent les sacs d’oeufs en demeurant à proximité.
Dictyna brevitarsus (fig. 513) est l’espèce qui compte le plus de mentions dans la province, ce qui laisse supposer une vaste répartition géographique (Bélanger et Hutchinson 1992). Dictyna major est une espèce holarctique rarement trouvée, dont les affinités écologiques semblent nettement nordiques (Roberts 1995). Dictyna alaskae semblait aussi une espèce arctique, mais la récolte de plusieurs exemplaires dans la forêt boréale au niveau du 50e parallèle montre que sa répartition géographique s’étend beaucoup plus au sud qu’on ne l’avait d’abord cru.
Les espèces appartenant aux genres Dictyna et Emblyna présentent plusieurs caratéristiques morphologiques intéressantes. Elles possèdent un cribellum, mais elles sont dépourvues de trichobothries sur les tarses. Les chélicères des mâles sont particulièrement longues et comportent une encavure dans la partie centrale (fig. 526). Selon Kaston (1948) et Bristowe (1971), cette forme permet aux mâles de saisir et de maintenir les chélicères de la femelle fermées lors de l’accouplement, ce qui diminue les risques d’être happé par la femelle. Les mâles possèdent des palpes spectaculaires à cause de la grande taille de l’embolus et du conducteur (figs 572, 575). Pour la séparation de certaines espèces, il est nécessaire d’examiner le bout de l’embolus en le délogeant de la gaine que constitue le conducteur. Il est possible d’identifier les mâles de toutes les espèces du Québec sans cette opération. La détermination des femelles est plus difficile, puisque les épigynes possèdent peu de caractères extérnes.
Argenna obesa est une espèce trouvée dans les litières forestières. Kaston (1948) rapporte qu’au Connecticut, elle a été récoltée sous la paille à proximité d’un marais salé. Nous l’avons récoltée dans la litière de forêts de l’Abitibi, ce qui suggère une vaste répartition géographique.
Les espèces du genre Lathys préfèrent aussi la litière des forêts. Les palpes des mâles sont très particuliers, car l’embolus, est replié jusqu’à la face dorsale du palpe (figs 591, 594). Les yeux sont souvent réduits. Certains individus n’en comportent que six, d’autres huit, dont deux sont atrophiés. Par contre, les tarses sont munis de très longues trichobothries, qui servent à percevoir les signaux provenant de leur environnement comme les vibrations et les mouvements d’air.