Les Lycosidae sont représentés au Québec par 53 espèces. Compte tenu des connaissances actuelles de la répartition des espèces au Canada et au nord des États-Unis, on soupçonne la présence de six autres espèces dans la province. Les Lycosidae du Canada sont bien connus grâce aux révisions taxonomiques de Brady (1980, 1987), de Dondale (1969, 1999), de Dondale et Redner (1978a, 1979, 1981a,b, 1983, 1984, 1986, 1987), et à la synthèse de la famille publiée par Dondale et Redner (1990).
Ces araignées sont parfois tellement nombreuses sur le sol par les journées chaudes et ensoleillées qu’elles donnent l’impression d’agir en meute. Cette particularité, conjuguée à leur aspect velu, a donné naissance au nom vernaculaire de la famille, les araignées-loups (wolf spiders) (Roberts 1995).
Les Lycosidae sont associés au sol où ils se déplacent rapidement à la recherche des proies, qu’ils capturent avec une grande vigueur, selon Gertsch (1949). Ces araignées sont abondantes et constituent souvent une proportion importante des récoltes effectuées par pièges-fosses.
Dans une étude comparant la faune boréale à l’échelle de la planète, Marusik et Koponen (2002) concluent que les Lycosidae possèdent un excellent potentiel bio-indicateur à cause de leur abondance, de la facilité avec laquelle les spécimens sont récoltés et, surtout, de leur sensibilité aux différentes conditions environnementales. Les Lycosidae sélectionnent leur habitat en fonction du type de sol et des conditions du milieu. Par exemple, les Geolycosa sont associées aux sols sablonneux et dénudés; Pardosa hyperborea (fig. 1691) est abondante dans les sphaignes; Arctosa littoralis, dans les milieux riverains; Pirata, dans les milieux humides; Trochosa et Schizocosa, dans les champs herbeux et la litière des forêts décidues (Dondale et Redner 1990). Ces affinités écologiques ont été utilisées dans des analyses statistiques multivariées, qui révèlent que les espèces de Lycosidae d’une dune de sable choisissent des microhabitats différents dans cet écosystème (Aart 1973). Cette analyse est devenue un classique dans le genre et ce jeu de données a été repris maintes fois en écologie afin de tester différentes méthodes statistiques d’ordination.
Sur le terrain, il est possible de reconnaître les femelles Lycosidae par les sacs d’oeufs qu’elles transportent entre leurs filières. Toutefois, les soins maternels ne se limitent pas qu’au transport du sac, puisqu’une fois écloses, les petites araignées grimpent sur le dos de leur mère et y restent accrochées pendant plusieurs jours (fig. 1718). Rovner et al. (1973) ont décrit les soies spéciales qui se trouvent sur le dos des femelles et qui permettent aux jeunes araignées de s’agripper.
Les parades d’accouplement chez les Lycosidae sont complexes et comprennent plusieurs types de stimuli. Les mâles tambourinent sur le substrat avec leurs pédipalpes selon un rythme particulier, provoquant une vibration caractéristique. Ce comportment est un mécanisme de reconnaissance qui permet aux femelles receptives de reconnaître et de sélectionner les mâles de leur espèce. Les signaux sonores (Rovner 1975) et les phéromones de contact (Dondale et Hedgekar 1973) sont aussi des stimuli importants dans ces parades.
Les Lycosidae se reconnaissent facilement à l’arrangement des yeux, qui les distingue des araignées des autres familles. L’identification des genres et des espèces est quelquefois plus difficile, particulièrement pour les femelles, puisqu’il est souvent nécessaire de procéder à la dissection des épigynes pour examiner les spermathèques. Contrairement aux autres familles où les femelles immatures n’ont rien de visible à l’emplacement de l’épigyne, les femelles pénultièmes de Lycosidae sont munies d’une petite structure qui semble bien formée. Il faut être précautionneux pour bien repérer ces individus immatures, qui ne sont pas identifiables à l’espèce.
Les Pirata se reconnaissent au motif en V du céphalothorax. Elles sont souvent associées aux plans d’eau et aux rivages humides, où elles abondent. Les préférences de certaines Pirata dans la sélection de l’habitat sont bien marquées. Citons P. montanus, qui préfère la litière des forêts humides feuillues (Lowder et Coyle, sous presse).
Les espèces de Geolycosa creusent des trous dans les sols sablonneux et dénudés, où elles se terrent. La présence de soie permet de distinguer les terriers des araignées de ceux des insectes. La fonction première de la soie est de solidifier les parois du trou, mais souvent, cette couche se prolonge à l’extérieur pour former un petit rebord. Trochosa terricola est une espèce commune, largement répartie en Amérique du Nord. Il abonde dans plusieurs types d’habitats, mais semble préférer la litière des forêts. Bien que la plupart des Lycosidae soient diurnes, les Trochosa sont également actifs durant la nuit (Roberts 1995). Récemment, Trochosa ruricola a été rapporté pour la première fois en Amérique du Nord (Edwards 1993) et au Canada (Lalongé et al. 1997), probablement une introduction accidentelle d’Europe. Il sera intéressant de suivre l’évolution des populations introduites de T. ruricola, dont la niche écologique est très similaire à celle de T. terricola. L’espèce nouvellement introduite se propage rapidement et elle pourrait déplacer T. terricola, comme on a déjà observé pour Steatoda borealis (Nyffeler et al. 1986).
Les femelles de Trochosa posent un problème taxonomique puisqu’il est presque impossible de les différencier. Prentice (2001) propose des caractères de coloration permettant leur séparation, mais l’examen de spécimens récoltés au Québec a révélé une variabilité trop grande pour une identification fiable. Il est préférable, pour l’instant, d’identifier les femelles par association avec les mâles, dont la détermination est plus aisée et plus fiable.
Le genre Pardosa est le plus riche de la famille au Québec, avec 21 espèces. Buddle (2000) et Pickavance (2001) ont étudié les affinités écologiques de quelques espèces de ce genre.