La diversité des Dysderidae est concentrée en Europe et en Asie, où l’on compte quelques centaines d’espèces. En Amérique et au Québec, on ne connaît qu’une espèce cosmopolite, Dysdera crocata (fig. 596). Il est probable que son association avec les habitations humaines explique sa répartition. La même explicaton s’applique aussi à d’autres araignées cosmopolites présentes au Québec [Tegenaria domestica (Agelenidae), Pholcus phalangioides (Pholcidae) et Oecobius navus (Oecobiidae)].
Bristowe (1958) rapporte que D. crocata chasse la nuit dans des lieux où les escargots, les foumis et les perce-oreilles abondent, mais il semble que cette araignée affectionne particulièrement les cloportes (Isopodes). Ces crustacés terrestres sont souvent abondants à l’extérieur des habitations, dans les jardins, sur les murs de ciment, dans les sous-sols et les garages, où l’humidité est élevée. Ces endroits les plus propices pour capturer cette araignée. Bristowe (1958) décrit que D. crocata fait pivoter son céphalothorax pour insérer un de ses longs crochets dans la partie molle ventrale de sa proie, tandis qu’avec l’autre, elle perfore la partie dorsale, plus dure.
Malgré son cosmopolitisme, D. crocata n’est connue que d’une seule mention au Québec. Bélanger et Hutchinson (1992) et Hutchinson et Cayouette (1993) rapportent sa présence sur l’île de Montréal. Il est trèsprobable que l’espèce soit beaucoup plus abondante et répandue que ne le laisse croire cette unique mention.
Comme le montrent les figures 597 et 598, les genitalia de D. crocata sont très particuliers. Le bulbe génital du palpe du mâle est presque entièrement séparé du cymbium. L’appareil reproducteur de la femelle est plus particulier encore, puisque les Dysderidae appartiennent à un ensemble de familles dites haplogynes, dans lequel les femelles ne possèdent pas d’épigyne sclérifiée. La structure génitale est entièrement interne. Cette caractéristique les distingue des entélégynes, dont les femelles sont munies d’une structure génitale externe sclérifiée. Il faut donc être attentif, car il est facile de croire que l’on examine un spécimen immature alors qu’il s’agit d’une femelle haplogyne mature.
Contrairement à ce qui se passe dans plusieurs familles où les stimuli visuels et olfactifs jouent un rôle primordial pour courtiser les femelles, les mâles de Dysderidae ignorent complètement la présence de femelles jusqu’à ce qu’il y ait un contact physique (Platnick 1971). Cette particularité contraste avec les parades complexes que les mâles de Salticidae et de Lycosidae effectuent à la vue des femelles, où entrent en jeu des signaux sonores, visuels, olfactifs et vibratiles.
Les femelles de Dysderidae construisent de solides retraites de soie dans lesquelles elles pondent leurs oeufs. La femelle demeure avec sa progéniture quelque temps avant que celle-ci ne se disperse (Gertsch 1949, Kaston 1948).