Les Salticidae constituent la famille d’araignées qui compte le plus grand nombre d’espèces de la planète. La plus grande partie de cette diversité se trouve dans les tropiques. Au Québec, nous comptons 43 espèces de Salticidae, mais des récoltes futures révèleront sans doute la présence de quelques espèces additionnelles. La plupart des Salticidae du Québec sont restreints à la partie méridionale de la province et la richesse en espèces diminue beaucoup vers le nord. Quelques espèces, comme Neon nellii et Talavera minuta, sont plus tolérantes aux conditions nordiques et se rencontrent dans la litière de la forêt boréale et dans la toundra.
Les Salticidae sont pourvus de très grands yeux médians antérieurs et d’une acuité visuelle inégalée. Ces araignées peuvent détecter les mouvements fins, parfois même derrière elles, et elles se déplacent pour faire face à leur observateur, ce qui donne la curieuse impression qu’elles suivent des yeux. Leur acuité visuelle en fait de remarquables prédateurs diurnes. Les Salticidae détectent leurs proies et s’en approchent suffisamment pour pouvoir bondir et les saisir dans un mouvement très rapide. Ce mode de déplacement par petits sauts est une des caractéristiques principales de cette famille, d’où leur nom d’araignées sauteuses (jumping spiders).
Les parades de séduction des Salticidae sont parmi les plus élaborées du monde des araignées (Peckham et Peckham 1889, 1890, Platnick 1971). Les mâles de certains Habronattus possèdent une ornementation colorée sur leur troisième paire de pattes (Griswold 1987). Lors des parades, ils soulèvent ces pattes dans des mouvements répétés, attirant ainsi l’attention des femelles. Certaines espèces arborent également des motifs abdominaux colorés qui jouent un rôle important dans la séduction des femelles. Ces mâles font osciller leur abdomen et le dressent afin de bien exposer les motifs lorsqu’ils s’approchent des femelles. Ces gestes complexes permettent aux partenaires d’une même espèce de se reconnaître, et on soupçonne qu’ils servent de mécanisme d’isolement reproducteur.
Les Salticidae ne tissent pas de toiles mais utilisent de la soie pour construire de petits abris. Ces retraites sont utilisées pour la ponte des œufs ou simplement pour passer la nuit. Elles se trouvent dans les feuilles, dans la litière, sous les pierres, sous les écorces, et même dans le sable.
Il est connu que plusieurs espèces d’araignées imitent les fourmis par leur forme, leur coloration et leur comportement (Cushing 1997). Chez les Salticidae, la myrmécomorphie s’observe dans plusieurs genres, dont Peckhamia et Synageles, qui se trouvent au Québec. La première mention de Peckhamia picata au Québec a été rapportée par LeSage (1992). Le genre Synageles n’était représenté que par S. noxiosus jusqu’à ce que Hutchinson et Limoges (1998) rapportent la présence de Synageles venator dans la région de Montréal. Il s’agissait de la première mention de cette espèce en Amérique du Nord. Depuis, elle s’est grandement répandue dans le sud-ouest de la province, où elle semble commune.
Plusieurs espèces de Salticidae, dont des Pelegrina spp., Admestina tibialis, Hentzia mitrata, sont associées à la végétation, où elles se tiennent à l’affût de proies. D’autres sont associées au sol. Habronattus borealis est une petite araignée noire commune le long des berges rocheuses du Saint-Laurent. Habrocestum pulex est une espèce associée aux sols forestiers, mais qui se trouve aussi dans une grande variété d’habitats.
Phidippus purpuratus est le plus gros Salticide du Québec avec une taille qui fait parfois plus de 1 cm. On le rencontre au nord jusqu’à la pessière noire de la forêt boréale. Salticus scenicus est probablement le Salticide le plus connu car il est très commun sur les murs des habitations, où il se distingue grâce à son joli motif rayé. Sitticus fasciger est également associé aux murs et fenêtres des habitations, mais la présence de cette espèce est beaucoup plus discrète que celle de S. scenicus à cause de sa petite taille et de sa coloration grisâtre. Eris militaris, Evarcha hoyi et Sitticus palustris sont des espèces communes, généralistes et abondantes. Le battage de la végétation dans le sud de la province permet d’en récolter quelques exemplaires presque à tous les coups.
Outre leurs motifs de coloration, qui sont souvent spectaculaires (Sibianor aemulus), certaines espèces comportent des caractéristiques morphologiques inhabituelles. Citons les trois touffes de poils au-dessus des yeux des mâles de Maevia inclemens, qui leur donnent un aspect loufoque.
Les Salticidae sont des araignées fascinantes mais, curieusement, il s’agit d’une famille peu étudiée au Québec. La répartition et les affinités écologiques sont inconnues pour la plupart des espèces.