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Famille: 

Trachelidae

Détails

Hutchinson & Bélanger (1994) avaient attiré l’attention sur Trachelas tranquillus, dont la présence était probable au Québec (Paquin & Dupérré 2003). Cette espèce était connue du nord des États-Unis (Kaston 1981), de plusieurs localités en Ontario et une en Nouvelle-Écosse (Dondale & Redner 1982, Paquin et al. 2010b). Mais c’est en 2018 que l’espèce a été trouvée pour la première fois au Québec. Cette trouvaille s’est effectuée dans la végétation couvrant une clôture de ruelle, à proximité d’une école primaire de Montréal (Paquin & Nicolaesu 2018). Cette première mention a été suivie d’une véritable explosion de mentions en 2019-2020, non seulement sur l’Île de Montréal, mais dans les régions plus au nord (Repentigny, Mascouche) et à l’est jusqu’à Granby (Paquin & Arbour, in prep).
La famille Trachelidae compte 244 espèces dans le monde dont 89 Trachelas (WSC 2020). En Amérique du Nord, il y a 8 espèces connues au nord du Mexique et la plupart ont des affinités pour les conditions plus chaudes du continent (Platnick & Shadab 1974, Richman 2017). Trachelas tranquillus diffère quelque peu puisque cette espèce se trouve au sud en Oklahoma et en Georgie et remonte au nord jusqu’au Canada (Dondale & Redner 1982).
Les Trachelidae possèdent des caractères qui les distinguent de plusieurs autres araignées. Par exemple, la présence de triangles pré-coxaux au sternum (fig. xxx), et des pattes sans d’épines mais pourvues de petites projections chitineuses  (Cusps en anglais, fig. xxx).
Le genre Trachelas était inclus dans la famille des Clubionidae et des Corinnidae. Platnick & Shadab (1974) avaient précisé que le groupe auquel Trachelas appartient est suffisamment distinct pour être élevé au rang de sous-famille: les Trachelinae. En se fiant sur les résultats d’une analyse des relations phylogénétiques de familles d’araignées, Ramirez (2014) a élevé ce groupe au rang de famille, position qu’il occupe depuis. Il a du même coup démontré que les Trachelidae ne sont pas apparentés aux Corinnidae et qu’ils appartiennent plutôt aux Gnaphosoidea.
Les Trachelas ont un aspect particulier, ce qui les rend assez facile à reconnaître: la coloration du céphalothorax et du sternum est d’un rouge assez vif, ce qui contraste avec l’abdomen qui lui, est plutôt pâle (blanchâre, verdâtre, grisâtre) (Platnick & Shadab 1974, Kaston 1972a, Dondale & Redner 1982). Avec cette coloration, ces araignées ressemblent superficiellement aux Dysderidae (page xxx), mais Dysdera possède des chelicères qui sont fortement projetés vers l’avant. De plus, les Dysderidae ont 6 yeux, tandis que Trachelas en possède 8. Trachelas possède aussi des sigillas visibles: ce sont des points d’attachement des muscles à la cuticule qui forment de petites dépressions visibles sur la surface dorsale de l’abdomen (fig. xxx).
Platnick & Shadab (1974) mentionnent que les espèces de Trachelas forment des groupes facilement distinguables. Les espèces du groupe tranquillus sont cataractérisées par l’embolus du palpe mâle enroulé sur lui-même à la base (fig. xxx). Chamberlin & Ivie (1935b) avait statué que les épigynes des femelles Trachelas ne permettent pas de distinguer les espèces, mais ces derniers n’avaient pas examiné les structures génitales internes des femelles. Comme l’ont démontré Platnick & Shadab (1974), les génitalias femelles permettent aussi la reconnaissance des espèces.
Trachelas tranquillus, une espèce décrite par Hentz en 1847, a longtemps semé la confusion. Certains auteurs ont utilisé ce nom pour une espèce du nord-est des État-Unis, et d’autres auteurs pour une autre espèce qui se trouve plus au sud. Pour trancher la question et déterminer quelle espèce Hentz avait sous la main (et décrit dans sa publication de 1847), Platnick & Shadab (1974) ont tenté d’examiner le spécimen type qui se trouvait dans la collection du Boston Natural History Museum (aujourd’hui le Boston Museum of Science). Hentz avait l’habitude d’épingler ses spécimens comme on le fait pour les insectes, une méthode de conservation peu appropriée pour les araignées. Les collections d’insectes sur épingles sont parfois détruites ou endommagées par des coléoptères Dermestidae, dont certains se nourrissent presqu’exclusivement d’insectes séchés. Plusieurs spécimens de Hentz ont malheureusement été détruits de cette façon, dont le précieux spécimen type de T. tranquillus. L’examen du type ne peut donc résoudre la question puisqu’il n’existe plus. Les données contenues dans l’article original peuvent parfois apporter une solution. Par exemple, si l’aire de distribution permet de déterminer qu’une seule espèce peut être récoltée dans la localité type (l’endroit où le spécimen type a été récolté), il deviendrait possible de déterminer l’identité de l’espèce de Hentz. Malheureusement, la localité type «les États-Unis» n’est pas utile puisque plusieurs Trachelas se trouvent dans ce pays. Platnick & Shadab (1974) ont alors examiné les planches originales de Hentz (1847) qui sont en couleurs, contrairement aux planches de l’article qui ont été publiées en tons de gris. Les  planches couleurs n’ont cependant pas permis de reconnaître l’espèce de Hentz non plus. Pour régler la question et stabiliser la taxonomie, Platnick & Shadab (1974) ont alors désigné un néotype pour l’espèce de Hentz (un nouvau spécimen puisque le spécimen de Hentz est détruit) récolté à Long Island (New York), une localité où une seule espèce de Trachelas se trouve. Ce néotype, conservé au Musée d’Histoire Naturelle de New York, constitue maintenant le spécimen référence représentant Trachelas tranquillus, l’espèce décrite par Hentz en 1847.
Trachelas tranquillus est une espèce synanthropique, c’est à dire qu’elle est étroitement associée aux humains. Aux États-Unis, elle est souvent récoltée dans les habitations et les spécimens récoltés au Québec confirment cette association. Ces affinités expliquent en partie le fait que l’espèce « voyage » avec les déplacements des humains. Platnick & Shadab (1974) ont rapporté des spécimens récoltés très loin de l’aire de distribution de l’espèce. Cette façon de se propager est une hypothèse intéressante expliquant l’arrivée récente de l’espèce au Québec, ou, du moins, sa rapide progression dans la province. Cette cohabitation avec les humains expliquent aussi que ces araignées soient connues pour infliger des morsures, qui parfois résultent par de légères enflures et des douleurs passagères (Platnick & Shadab 1974, Dondale & Redner 1982).
Trachelas tranquillus est surtout trouvé dans les habitations humaines. Plus rarement, il est aussi récolté dans la végétation où cette araignée tisse des petits abris dans les feuilles qu’elle enroule. Le battage de la végétation a déjà mené à des récoltes dans une forêt mixte, dans des herbes basses et des arbustes. On la trouve aussi sous des pierres et des écorces (Kaston 1972, Dondale & Redner 1982).
Kaston (1948) a décrit le sac d’oeufs de Trachelas d’environ 10 mm, qui est d’un blanc pur et de forme lenticulaire. Il est parfois attaché directement au substrat avec une dizaine de fils d’ancrage. Selon Scheffer (1905b), les sacs trouvés sous les écorces contiennent une cinquantaine d’oeufs.