Parcours 

Dans cette section, je trace le portrait des collaborateurs et collaboratrices de Natureweb. Ce sont des passionnés au parcours souvent atypique. Ils et elles acceptent de se livrer pour démystifier la personnalité du chercheur à la curiosité insatiable dont le travail consiste à mettre en lumière les résultats de ses recherches en s’appuyant sur des preuves solides. Leur mission : faire avancer la connaissance et protéger la biodiversité de nos milieux naturels.

Clôde de Guise

L’émerveillement de la nature

C’est dans un petit champ, coincé entre des bâtiments et la clôture d’une école, qu’André Bérard, enfant, découvre et explore toute une entomofaune qui le captive, l’émerveille et stimule sa curiosité. Cet amoureux de la nature, épris de justice sociale, est un ardent défenseur de l’environnement et un communicateur hors pair. Depuis des années, il photographie les insectes de son voisinage et partage ses images dans le groupe Facebook Photos d’insectes du Québec dont il est un des modérateurs avec Gilles Arbour. Je vous invite à découvrir le parcours de ce chercheur de vérité et d’authenticité. 

Observer et contempler

André Bérard est le troisième né de sa fratrie. Il a dix et onze ans d’intervalle avec ses deux grands frères. Issu d’un milieu modeste, il est orphelin de père à 5 ans. À cette époque, sa mère, monoparentale, étant accablée par une multitude de pathologies osseuses et d’humeur dépressive, André est généralement laissé à lui-même et aux soins attentionnés de Serge, son frère ainé. Enfant hypersensible, de nature contemplative, il passe de longues heures à observer les bestioles dans son petit carré de nature entouré des blocs appartements d’un nouveau développement immobilier à Laval. 

Vers l’âge de 8 ans dans le quartier Pont-Viau, à Laval.

Les odeurs, les sons et l’activité des insectes l’intriguent.  Il est chez lui. Couché à plat ventre, il est fasciné notamment par les fourmis qui besognent sans relâche*. « Je ne m’ennuyais jamais », précise André. Puis à la maternelle, lors d’un tirage, il gagne un livre à colorier portant sur les insectes**. Ce livre va aiguiser sa curiosité, il veut en savoir plus, toujours plus. Il capturait les insectes et les papillons pour les observer et les relâchait. Il a aussi acheté, pour quelques sous, des insectes que ses petits voisins récoltaient pour les revendre. André leur redonnait leur liberté. 

Épris d’altruisme, il raconte en souriant : « Quand il faisait très chaud l’été, j’accotais mon échelle de bois sur l’unique arbre près de la maison et je montais l’arroser avec de l’eau froide pour le rafraichir. »

Du cosmos au microscope

Son grand frère Serge, lui offre un télescope, un jeu de chimie et un microscope. Pour un petit bonhomme de 8 ans, ce sont des univers inédits qui se révèlent à lui. Il navigue entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Il se passionne pour les aventures de Tintin puis celles du héros Bob Morane ainsi que pour l’énigmatique personnage de Dracula de Bram Stoker. La lecture est un refuge qui façonne son imaginaire.

Bob Morane, un aventurier intrépide, loyal, mêlant courage, intelligence et sens de la justice face à tous les dangers et grand défenseur de la nature. Une inspiration pour le jeune André.

À 13 ans, la famille déménage dans un autre quartier. André possède toujours le télescope et le microscope. Passionné par ses découvertes, il partage avec ses amis le fruit de ses observations.

À la même époque, il manifeste un intérêt pour la photographie. Son frère cadet, Réjean, lui propose, en échange de travaux à exécuter, de lui acheter une caméra Pentax SP 1000, une 35mm avec des lentilles interchangeables. Les premiers clichés sont des photos de famille. L’intérêt pour la macrophotographie d’insectes se précisera au début de la vingtaine.

Premier «vrai» appareil photo 35 mm Asahi Pentax SP 1000

Études tumultueuses

André était un jeune créatif, inventif et intéressé par une foule de sujets mais pas nécessairement par ceux qu’on lui enseignait sur les bancs de l’école. De plus, il avait une conscience aiguë des injustices et des préférences, ce qui le heurtait énormément le menant parfois à se bagarrer dans la cour de récréation pour défendre ses amis. Il ne comptait plus le nombre des retenues qui lui ont été imposées chez le directeur.  

Ce rebelle ne s’en laisse pas imposer et dès l’école primaire il remet en question l’enseignement de ses professeurs. « Un jour, dit-il, une suppléante a affirmé en classe que les humains avaient côtoyé les dinosaures. Il s’en est suivi un échange épique devant les élèves entre elle et moi. Face à mon acharnement, elle m’a ordonné de copier cent fois : je ne répliquerai plus en classe. Le soir à la maison, j’ai expliqué à ma mère ce qui était arrivé. Pour mon plus grand bonheur, elle a rédigé une note à l’intention de la suppléante lui indiquant que je ne ferais pas cette copie, car j’avais raison. »

André Bérard affirme sans l’ombre d’un doute : « Je ne "fittais" pas dans le moule scolaire tel que je l’ai connu. »

En outre, il se remémore, avec émotion, deux moments marquants : « Ma professeure de sciences en 3e année, Henriette, m’a invité à donner un cours sur la fusée Saturne 5 avec une affiche tirée de la revue Pilote qui montrait les composantes de l’engin et de la rampe de lancement. C’est mon frère Serge qui m’a fait répéter les journées précédentes. Et, en 5e année, ma classe a joué le Petit Prince. Aucun rôle ne m’intéressait, sauf celui de l’astronome qui observe la planète du Petit Prince. Le hic, c’est qu’il n’y avait pas de texte, juste une mention du personnage. J’ai donc moi-même écrit un texte, enfilé un sarrau blanc de scientifique et apporté mon télescope pour créer une scène. Ce sont de très beaux souvenirs! »

C’est à l’aide de cette affiche  que André est devenu professeur de sciences, le temps d’un cours en 3e année. (Encart du magazine pilote, 1967)

Le secondaire devient une épreuve de force. André veut démontrer qu’il est possible d’obtenir le diplôme d’études secondaires avec un minimum de présence en classe. Il n’hésite pas à sécher ses cours et passe des journées entières à la bibliothèque de l’école à lire sur une foule de sujets : psychiatrie, psychologie, sociologie, science. Ils dévoraient les livres qui correspondaient à ses intérêts profonds.

Il retient de ses années au secondaire, ses premiers cours de photographie argentique avec son professeur Jacques Parent qui lui a donné accès à la chambre noire des professeurs. 

Il a alors flirté avec l’idée de devenir photographe mais à l’époque, une des seules façons d’en vivre était la photo de mariage! Alors que lui rêvait déjà de faire de la macrophotographie d’insectes.

Tintin, reporter aventureux, courageux, épris de justice, doté d’une curiosité insatiable, toujours intègre,  inventif et d’une loyauté sans faille envers ses amis. C’est en lisant L’Étoile mystérieuse que André rencontra pour la première fois une Épeire diadème. 

Au Cégep, il commence des études en Arts graphiques mais comme les ordinateurs s’imposaient de plus en plus dans le métier, les professeurs incitaient les étudiants à changer d’orientation. André va poursuivre ses études en Sciences humaines. À l’université, il s’inscrit en communication mais la perspective de passer encore trois années sur les bancs de l’école le rebute. Il abandonne les études pour aller sur le marché du travail.

Nous sommes au début des années 90, André fait de la pige en communication. En 1998, il décroche un emploi de concepteur-rédacteur dans une agence située à Laval et par la suite, il sera promu au poste de Directeur de création. En 2001, avec sa compagne et complice Dominique Beauregard, designer et artiste-peintre professionnelle, ils créent une boîte de communication, Facteur G (facteurg.com). De 2006 au début de 2009, il interrompt ses activités au sein de leur entreprise pour faire du journalisme d’enquête.

Journalisme citoyen

André Bérard est un libre penseur, un blogueur et un lanceur d’alerte. En 2006, il critique sur son blogue, consacré aux actualités de la ville de Sainte-Adèle, les décisions des élus concernant le développement de la municipalité. La même année, il sera recruté par la rédaction de l’hebdo régional des Laurentides, le journal Accès Laurentides, où il s’impose comme journaliste d’enquête. Il se donne à fond, creuse ses dossiers avec rigueur et détermination et met en lumière les magouilles et la collusion avec les développeurs de sa ville. Il dénonce les activités nuisibles pour l’environnement et documente des sites contaminés. Il travaille en concertation avec des avocats qui, bénévolement, vérifient le contenu de ses textes pour éviter des poursuites légales qui lui causeraient préjudice et mineraient sa crédibilité.

Il pratique un journalisme citoyen dont l’éthique fait appel à la justice sociale, la recherche de vérité et la mise en place d’une démocratie citoyenne participative dans l’espoir d’initier un changement social consensuel.

Il signe son dernier article en octobre 2008 alors que l’hebdo se voit contraint de cesser de publier les enquêtes menées par son journaliste Bérard. Difficile pour lui de revenir à la chronique des chiens écrasés. Il démissionne non sans amertume.

André n’hésite pas à dire qu’il a traversé une période éprouvante d’épuisement professionnel à la suite de ce travail comme journaliste d’enquête qui a été plus qu’exigeant. Il a mis un certain temps à s’en remettre et s’est donné des outils pour faire le plein d’énergie et ne pas sombrer dans la négativité. Parmi ces outils, la méditation dite laïque, qu’il pratique toujours. Il a aussi été interpellé par le livre Explorer ses rêves soi-même, pourquoi pas?, de l’auteure, conférencière et formatrice québécoise, Alberte Dugas. Depuis des années, il interprète méthodiquement ses rêves qui ont été des révélateurs importants dans son cheminement personnel.

Retour en piste

André Bérard reprend progressivement ses activités en communication. Avec Dominique, ils s’octroient la liberté de choisir leur clientèle qu’ils accompagnent « dans le dédale des processus et des moyens de communication afin que la technique ne devienne pas une fin en soi, mais un outil permettant de mettre en mouvement des idées et donner naissance à des projets », explique André. Sans surprise, ils œuvrent auprès d’entreprises sociales dont ils partagent les valeurs. Le rucher collectif, qu’on retrouve sur Facebook, en est un exemple. Ce projet d’apiculture urbaine communautaire s’est donné comme mission de sensibiliser la population aux enjeux environnementaux.

Abeille Apis mellifera du rucher collectif.

Pour André « le passé est contenu dans le présent et le présent est le matériau du futur. L’avenir n’est rien d’autre que la conséquence des actions passées. Il est naïf d’espérer un futur meilleur si l’on ne prend pas soin du présent. Notre espèce a une responsabilité, celle de croire en sa capacité de créer un avenir moins dystopique pour l’humanité, mais aussi pour l’ensemble du vivant que ses activités menacent. À force d'imaginer le pire, nous en accélérons sa venue. L'inverse est aussi vrai. Cela dit, je doute que l’humanité soit sur ce chemin en ce moment », admet-il.

Fidèle à lui-même, le militant n’est jamais très loin. Il met à profit ses compétences de communicateur pour soutenir le Mouvement pour la protection de la nature adéloise. Il participe à la rédaction des textes portant sur la mission et les revendications du mouvement qui vient de naître. « Nous ignorons où il mènera, quel sera son impact et s’il parviendra à rassembler les citoyens, mais nous sommes confiants », précise André.

L’amour de la nature

Revenons à ce petit carré de nature, de sa prime enfance, qui a déclenché son émerveillement pour le monde vivant. Il lui est resté fidèle, en ce sens que tous les étés, c’est à proximité de sa maison actuelle, qu’il continu de prendre des photos d’insectes. Cela lui permet, entre autres, de mesurer l’impact environnemental sur l’entomofaune du voisinage.

Sur une souche, capture de petits coléoptères Bolitotherus cornutus de la famille des Tenebrionidae.

La photographie argentique ne lui permettant pas de visualiser sur le champ la qualité des images prises, il a souvent été déçu. La photographie numérique a été en ce sens une véritable révolution pour lui. André est reconnaissant envers Gilles Arbour et Léo-Guy de Repentigny d’avoir généreusement partager leurs connaissances. « Ils ont répondu à mes questions techniques, plus précisément celles concernant les diffuseurs de flash. Ce qui m’a poussé à fabriquer mes propres diffuseurs, très artisanaux, et à expérimenter en ce sens durant plusieurs saisons, » précise ce dernier.  Il y a deux ans, André s’est procuré un diffuseur de marque Cygnustech fabriqué et vendu par Brendan James, un professionnel australien de la macrophotographie. Ce diffuseur lui est devenu indispensable.

Sur le terrain avec un diffuseur Cygnustech

Vous l’aurez sans doute deviné, bien au-delà de la technique, André confie : « J’adore ressentir tout autant que comprendre. En tant que communicateur dans l’âme, je tente, bien humblement, par la photographie et mes réflexions, de partager mon point de vue. J’espère ainsi inspirer les autres à voir les choses différemment et à développer leur propre aptitude à s’émerveiller. » Il ajoute : « l’émerveillement, la contemplation, le silence sous toutes ses formes sont des points d’accès à un état de présence totale, aimante, imposante et majestueuse. » André a connu ce moment de grâce fugace et intense: « cet état de transcendance qui rend humble devant l’immensité », conclut-il.

_________________________________

Pour en savoir plus : 

*Lire son article sur Natureweb : 

Trophallaxie – quand les fourmis nous font la classe.

** Lire son article sur Natureweb : 

De l’importance de stimuler l’amour de la nature chez l’enfant.

Publié 
17/12/2024
 dans la catégorie