Il n’est pas toujours nécessaire d’aller dans un pays lointain pour faire une découverte! En 2019, nous avons transformé un ancien terrain de tennis dans notre cour en jardin d'arbustes et de fleurs dans le but de favoriser une plus grande biodiversité d’insectes et autres bestioles. Parmi les plantes que nous avons choisies se trouvait une variété d’iris qui porte des fleurs magnifiques - Iris sibirica. Nous avons planté deux belles touffes à une distance d’environ six mètres l'une de l’autre.

Fleur de Iris sibirica

En 2020, j’ai remarqué la présence d’une colonie de pucerons sur chacun des plants. Les pucerons sont présents sur la partie inférieure de la plante, groupés entre le 10ème et le 20ème centimètre à partir du sol, sur les feuilles surtout mais aussi sur les tiges. Je les ai photographiés et j’ai commencé à faire une recherche pour les identifier. J’ai fouillé pendant plusieurs jours et je n'arrivais pas du tout à trouver, sauf qu’une recherche basée sur la plante hôte, l’iris, me dirigeait vers une espèce qui malheureusement n’était pas présente au Québec ou même en Amérique : Aphis newtoni. Par contre, elle était bien connue en Europe et on la décrivait sur plusieurs sites dédiés aux insectes et aux pucerons en particulier. 

Plus je lisais sur ce puceron, plus j’étais convaincu qu’il était bien possible que mon hypothèse soit correcte. J’avais déjà eu une expérience semblable avec un hémiptère d’un autre groupe qui, en principe, n’était pas présent en Amérique et ça m’encourageait de savoir qu’il est bien possible, voire probable, que plusieurs espèces parviennent jusqu’à nous avec leur plante hôte. (Voir Chloriona sicula)

Aphis newtoni ailé

Bien conscient qu’une identification d’un spécimen par un expert était nécessaire, je me suis adressé à Colin Favret, un aphidologue bien connu que nous avons la chance d'avoir ici au Québec à Montréal. J’ai récolté quelques spécimens que j’ai mis dans l'alcool et déposés au congélateur. Puis la pandémie est arrivée avec une réduction des contacts sociaux. Mes spécimens sont donc restés chez moi pendant 2 ans! Mais en 2021 et en 2022 j’ai pu observer le retour des ces colonies de pucerons accompagnées de fourmis sur les deux touffes d’iris. Les fourmis jouent un rôle protecteur avec les pucerons et en échange se nourrissent du miellat sécrété par leurs petits protégés.  

J’ai récolté de nouveaux spécimens de pucerons et de fourmis que j’ai pu apporter à C. Favret au début de l’été 2022. Grâce au séquençage d’ADN et à une observation minutieuse de sa morphologie le puceron a bel et bien été formellement identifié comme étant Aphis newtoni. Les fourmis ont été identifiées comme étant Lasius sp. (réf. niger (L.)), une espèce non décrite mais proche de Lasius niger. Cette identification pour les fourmis a été confirmée par André Francoeur, un expert pour ce groupe d’hyménoptères.

Colonie de Aphis newtioni sur Iris sibirica avec une fourmi Formica glacialis

Une publication a été faite sur specimenpub.org pour souligner cette première mention: https://specimenpub.org/publications/specimen_3/

J'en profite pour remercier Colin Favret (Institut de recherche en biologie végétale et Université de Montréal) pour son offre de m’aider à identifier le puceron; André Francoeur (Département des sciences fondamentales, Université du Québec, Chicoutimi) pour son expertise sur les fourmis; Catherine Hébert (Department of biological sciences, University of Montreal) pour son travail de recherche et d’écriture du texte en tant que première autrice. 

Vous avez des plants d’iris près de chez vous? Examinez bien les feuilles et les tiges. D’autres populations de Aphis newtoni ont été trouvées par la suite sur différentes espèces d’Iris au Jardin botanique de Montréal. Pourquoi pas chez vous?

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Publié 
11/9/2023
 dans la catégorie 
Insectes