Les soins maternels – les sacs d’œufs

Les femelles araignées sont de véritables modèles de dévouement maternel pour leur progéniture. Elles sont non seulement chargées de pondre les œufs, mais pour maximiser leur sécurité, elles confectionnent une enveloppe de soie qui les protégera jusqu’à l’éclosion. Cette enveloppe est appelée sac d’œufs et toutes les mamans araignées de la planète ont recours aux fils de soie pour le confectionner. Cependant, il ne faut pas croire qu’il n’existe qu’une seule façon d’accomplir cette noble tâche ; chacune des 131 familles d’araignées de la planète possède une façon bien à elle de construire ces abris, qui se distinguent parfois au niveau des genres et même des espèces.

Le principe de base est plutôt simple : de la soie pour entourer les œufs. Mais le résultat de cette opération est une surprenante diversité de formes, de couleurs, de textures, de stratégies de camouflage et de comportements. Alors, première question : le nombre d’œufs que les sacs contiennent ? et bien, la réponse habituelle : ça varie ! Mais le minimum connu, c’est un seul œuf, difficile d’en contenir moins… Il y a probablement plus d’une espèce qui optent pour cette stratégie, mais Anapistula sp. (Symphytognathidae) est un bon exemple. Il s’agit d’une étrange et minuscule araignée troglobie des cavernes du Texas. Quel est le maxinum ? Kaston (1981) rapporte que certaines femelles Dolomedes (Pisauridae) en pondent près de 1400 dans un seul sac.

L’aspect du sac d'œufs est aussi très variable. Dans certain cas, il ressemble à un petit sac blanc maintenu sur un substrat par quelques fils (Theridula emertoni, Theridiidae - Photo 1) dans d’autres cas, il est coloré et luisant, et complètement aplati sous une feuille, une planche ou une pierre (Phrurotimpus spp., Phrurolithidae). Dans d’autres cas, les sacs sont couverts de particules et des détritus végétaux (Callobius bennetti, Amaurobiidae), tandis que d’autres sont recouverts de poussières ou de grains de sable pour parfaire leur camouflage (Agroeca spp., Liocranidae).

Dans la plupart des cas, les sacs sont déposés et intégrés dans la nature dans le but d’être le plus discret possible pour éviter les prédateurs et les parasites. Plusieurs femelles accomplissent cette fonction en demeurant près des œufs pour les garder, mais certaines mamans poussent les soins jusqu’à transporter leur sac dans leurs déplacements. Nous donnons ici trois exemples : 1) Pholcus opilionoides (Photo 2 ). Le sac d’œufs de cette araignée est très rudimentaire : à peine quelques fils pour maintenir une masse d’œufs, agglutinés les uns aux autres. La femelle agrippe les œufs par les chélicères et les transporte jusqu’à l’éclosion. Cette araignée synanthrope est surtout associée aux habitations, elle se déplace peu et la femelle, immobile, est souvent aperçue protégeant son sac d’œufs.

Les deux prochains exemples concernent des araignées qui sont fréquemment observées à l’extérieur et qui se déplacent avec une grande rapidité. Les Pisauridae tissent de robustes sacs d’œufs qui sont sphériques. Les femelles les transportent pendant quelques jours, puis vont les déposer dans une toile spécialement conçue à cet effet. Ces femelles attachent des feuilles d’arbuste et recouvrent une partie de la végétation de soie et déposent le sac au centre de cette structure qui peut mesurer jusqu'à 30 centimètres. En anglais, on nomme cette toile nursery web et en français, toile pouponnière ou toile nourrice, puisque son unique fonction est la protection de la progéniture. Souvent, la maman demeure sur cette structure de feuilles, de brindilles et de soie, pour en assurer la protection. Nous attirons l’attention sur le fait que les Pisauridae transportent leur sac d’œufs à l’aide de leurs pièces buccales et des palpes (Photo 3). Le sac se trouve coincé contre le sternum, entre les chélicères et l’abdomen. Souvent, le sac d’œufs est d’une telle dimension que pour arriver à le soulever, la maman araignée doit se hisser sur le bout de ses pattes.

Sur le terrain, les Pisauridae ressemblent superficiellement aux Lycosidae à cause de leur taille et de leur coloration en cinquante tons de bruns. Toutefois, les sacs d’œufs des Lycosidae ne sont pas sphériques ; plusieurs ont une apparence plus aplatie, rappelant plutôt la forme d’un hamburger. Et la comparaison avec ce met ne s’arrête pas là; en examinant le sac, on se rend compte que Pardosa produit un sac qui semble fait de trois parties. La partie du bas forme une espèce de bol creux en soie foncée, dans lequel la femelle dépose ses œufs. Puis, elle referme le tout avec une deuxième structure similaire, la partie creuse sur la masse centrale. Les deux demi-bols sont soudés l’un à l’autre avec de la soie, mais la suture plus blanchâtre demeure visible (Photo 3).

Sur le terrain, il n’est pas facile de distinguer les Pisauridae et les Lycosidae. Mais si’l s’agit d’une femelle transportant son sac d’œufs, la tâche devient facile parce ce que les femelles Lycosidae transportent les sacs avec les filières ! Comme les filières sont situées à l’arrière de l’animal, il devient facile de faire la différence avec les Pisauridae, qui transportent plutôt leur sac avec les pièces buccales (en avant de l’animal). Il n’est pas dit qu’une maman Lycosidae qui a perdu son sac ne l’agrippera pas avec ses chélicères pour le récupérer, mais la position du sac dans le transport est une bon indice de l’identité de ces mamans si dévouées.

Theridiidae - Theridula emertoni et son sac d'oeufs

Pholcidae - Pholcus opilionoides avec son sac d'oeufs
Pisauridae - Dolomedes tenebrosus qui maintient ses oeufs avec ses chélicères
Lycosidae - Pardosa xerampelina et ses oeufs maintenus par ses filières

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Publié 
11/9/2023
 dans la catégorie 
Arachnides